Quand l'Algérie était française... 1830-1962.
Emission spéciale sur M6 en ce mardi 16 mai 2006.
Alors que la polémique a été faite ces derniers mois sur le rôle de la colonisation française dans les pays colonisés, ce soir M6 a diffusé un documentaire retraçant toute l'histoire de la colonisation algérienne. Ou plutôt a diffusé des vidéos d'époque personnelles de pieds-noirs avec un commentaire et un léger historique.
Le documentaire visuel, par son format vidéo justement, n'est pas complet. Il est impossible de montrer des images du début du 19e siècle, et c'est bien normal. A la place, on diffuse des vidéos plus récentes, avec un commentaire, et quelques plans d'une mapemonde.
Puis viens l'arrivée des première images vidéos. Sans sons d'abord, puis vers 1960, on retrouve le son.
L'existance de ces images implique des caméras vidéos. Implique donc aussi des propriétaires de ces objets d'une classe privilégiée.
Se pose alors la question de l'exhaustivité, de l'objectivité de ce qui est montré.
Ce que j'ai ressenti :
Je n'ai pas appris grand chose, même rien. J'attendais beaucoup plus de ce documentaire, j'attendais l'histoire de mes grands-parents. J'attendais de comprendre pourquoi ils ont autant de ressentiment vis-à-vis de l'Algérie et des Algériens.
Je comprends ce qui leur est arrivé, se faire jeter hors de ce qu'ils considéraient comme leur pays, leur chez eux. Mais aussi toute cette violence qui a précédé l'exode. Je comprends ce qui a pu pousser les Algériens à vouloir récupérer leur pays, leur terres... Ce que je ne comprends pas, c'est toute cette violence.
Je rêve d'aller dans ce pays, de me rendre dans les endroits fréquentés par mes ancêtres, de voir les paysages, les rues, les gens qui ont fait partie du quotidien de ma famille.
Je cherche à comprendre mes grands-parents, à apprendre d'eux, mais il ne raconte pas. Quand je pense à eux et à l'Algérie, je ne vois que cette photo de tous les deux en amoureux dans la rue avec leur chaperon, une nièce de ma grand-mère si je me souviens bien. J'ai vu dans le film l'insouciance dans laquelle vivait les européens dans ce pays. Est-ce cela qui leur manque tant, qui leur a été arraché ?
Il ne raconte jamais rien, je n'arrive pas à leur faire me raconter. Il n'y a que quelques choses que je connais, des choses racontées par le biais d'anecdotes, de petites histoires. Je sais qu'en rentrant en France, cela a été l'enfer. Mon père a appris à lire sur les panneaux publicitaires qu'ils croisaient sur la route. Il a changé 6 fois d'école en 4 année d'école primaire. Un exode qui n'a pas pris fin une fois le trajet Algérie-France terminé, mais un exode qui s'est poursuivi encore de nombreuses années, à passer de chez l'un à chez l'autre, sans avoir de véritable chez soi, le temps d'avoir les moyens de s'en créer un.
Ca me pèse, de ne pas les comprendre là-dessus. Et quand le sujet arrive, ce n'est jamais dans de bonnes conditions, et je me retrouve face à un mur qui ne veut pas parler.
Il y a tous ces gens qu'ils connaissent, des pieds-noirs, d'autres qu'ils ont rencontré au cours de leur vie.
Il y a cette association, "L'Algérianiste", dont ils sont membres et qui me semble être une réunion de pieds-noirs en mémoire à la vie en Algérie, à ce qu'ils ont subi, à ce qu'ils ont perdu.
Il y a ce livre de Yann Arthus-Bertrand, ce livre de photographie qu'on leur a offert et qu'il n'aime pas. Il ne l'aime pas car ils ne retrouvent pas les "vraies" couleurs de l'Algérie, comme si les photographies avaient été retouchée, comme si elles avaient été prises sous des conditions tellement précises et déformées qu'elles ne sont pas représentatives. Il y a aussi d'autres livres dans ce cas, des émissions de TV qui sont décortiquées, critiquée sur certains points, d'autres louées.
Il y a toutes ces revues, ces autres livres, ces amis avec lesquels ils parlent du passé.
Il y a leur contribution active à se souvenir, par presque tous les moyens possibles.
Sont-ce des regrets qu'ils expriment ?
Qui suis-je moi, par rapport à cette Algérie ? Mes grands-parents sont de grands blessés de l'Algérie. Certains de mes amis sont Algériens. Certains de mes ex-petits amis aussi... C'est toujours quand je parle de ces amis que les remarquent tombent. C'est vrai que ce qui les représentent en premier c'est leurs prénoms. Et oui, leurs prénoms informent de leurs origines. Alors j'ai droit à des remarques "Ah, tu as des amis Arabes!" Oui Mamy, j'ai des amis arabes. Et non Mamy ils n'ont rien à voir avec ce que tu as vécu. Mais ça elle ne veut pas le comprendre, pour elle, ils font tous partie du même lot, avec différents niveaux de culpabilité quand même. Un Marocain passe mieux qu'un Kabyle qui passe mieux qu'un Algérien du nord.
J'ai eu l'occasion de discuter avec une amie qui est dans la même situation que moi. Il s'avère qu'elle a le même problème. A la différence que ses grands-parents à elle sont retournés en Algérie, sont retournés voir les amis algériens d'alors qu'ils avaient. Les miens non. Je me demande si je ne devrait pas les replonger dans ce pays, partir avec eux pour qu'ils y retournent au moins une fois, et puis ce serait l'occasion pour moi aussi de discuter de tout cela avec eux.
En attendant, je ne sais pas trop qui je suis vraiment. Je me sens algérienne quelque part, mais une française algérienne frustrée. Je regrette souvent de ne pas avoir l'occasion de savoir ce qui se serait passé si les choses n'avaient pas changées, si mes grands-parents et par la même occasion mon père étaient restés là-bas.
Chaque fois que j'y pense, j'ai un noeud dans la gorge, je suis triste pour eux, peut-être pour moi aussi de ne pas connaître tout cela.